Gagner une élection c’est bien, mais gérer convenablement une municipalité c’est encore mieux. Car, les nouveaux maires qui ont été élus dimanche dernier devront relever des défis immenses, s’ils veulent réussir leur mission. Et la réalité à laquelle ils doivent faire face passe par un état des lieux de l’Institution municipale, le vote de leurs adjoints, les corrections à apporter sur un budget déjà adopté et la mise en place d’un plan de développement local et naturellement le suivi des projets déjà encore… Ce qui veut dire que le travail ne fait que commencer pour eux. 

A l’issue des élections territoriales de dimanche 23 janvier dernier, beaucoup de localités vont devoir changer de maire. Une fois la phase des célébrations et des caravanes victorieuses dépassée, ces nouveaux élus doivent se confronter à la réalité. Car, juste après leur installation par le préfet ou le sous-préfet, il faut s’attaquer à un travail, qui ne sera pas de tout repos pour certains « novices » au poste. Les premiers pas du nouveau maire doivent être consacrés à l’état des lieux, ce qui va lui donner une idée précise de l’institution qu’il doit diriger.

« Un maire qui arrive doit d’abord faire ce qu’on appelle un état des lieux. Cela va lui permettre de comprendre sur quoi il pose les pieds et éviter qu’il pense qu’étant un nouveau maire, il doit réinventer un système alors que tout doit entrer dans le cadre de la continuité, en suivant les projets qui sont déjà en cours », explique Alioune Niang Mbaye, spécialiste de la décentralisation et directeur de l’Institut africain de développement local (Iadl). Selon M. Mbaye, cet état des lieux peut avoir des allures d’un audit, pour comprendre réellement ce qui a été fait, et ce qui reste à faire. D’ailleurs, selon lui, cet audit de l’institution municipale que le nouveau maire hérite entre dans une « règle normale » de gestion. Et ce diagnostic doit, selon M. Mbaye, reposer sur trois mécanismes à savoir un audit de conformité, un audit stratégique et un autre financier. « Celui qui fait une passation de service, doit aussi comprendre ce qu’on lui donne », fait-il savoir. Seulement l’audit de la mairie ne doit pas aboutir à une chasse aux sorcières. Loin s’en faut. « On ne demande pas au maire qui arrive de balayer tout et de mettre ses militants, ce serait la pire des choses », précise Alioune Niang Mbaye.

S’appuyer sur les compétences 

Une fois que cet état des lieux est fait, il doit procéder à l’installation et des adjoints au maire et des présidents de commissions. Sur ce point, le directeur de l’Iadl estime que ces commissions doivent être dirigées par des personnes qui ont des compétences. « Le maire fait du management, mais il doit s’appuyer sur un Conseil qui dispose d’une masse critique de compétences pour pouvoir gérer les affaires locales », fait-il savoir. Actuellement la plupart des mairies ont déjà voté leur budget pour l’année 2022, mais rien n’empêche à un nouveau maire et à son équipe d’apporter des corrections avant l’exécution de ce budget. Selon l’ancien maire de Grand-Yoff, Mamadou Mbaye, spécialiste des questions de décentralisation et des finances locales, rien ne s’oppose à une nouvelle équipe municipale de corriger certaines rubriques du budget, si elle juge que la dépense consacrée est assez importante. « Ensuite, le travail qui reste à faire c’est l’engagement des dépenses, le suivi et l’exécution du budget jusqu’à la phase finale à savoir la réédition des comptes et la redevabilité », relève Alioune Niang Mbaye. D’après ce dernier, rien ne pourra se faire sans une planification et un suivi rigoureux des textes qui régissent la gestion d’une mairie. Car, une commune est tenue d’avoir un plan de développement qui va lui servir, selon M. Mbaye de « canevas et d’orientation stratégique ».

Quid des maires qui ont bâti campagne sous le thème du changement ? Sur cette question, le directeur de l’Iadl reste sceptique. Selon lui, c’est plutôt la continuité qui sied réellement pour ces nouveaux maires. « Il y a un changement de magistère certes, mais le processus continue avec des compétences à gérer, des projets à suivre et des innovations territoriales à apporter. Les programmes déjà entamés, il faut les terminer. Par exemple si dans une mairie, on a un projet de pavage réalisé à 60%, on ne peut pas dire qu’on va tout détruire et recommencer », explique le directeur de l’Iadl. Enfin, l’expert en décentralisation souhaite que les nouveaux maires puissent avoir de bonnes relations avec l’Etat central, notamment la promotion d’une « logique collaborative » entre les deux entités. Car, tient-il à préciser, la décentralisation, c’est un transfert de compétences, de rôles et de responsabilités de l’Etat central à des entités décentralisées.

Maguette NDONG  

INSTALLATION DES BUREAUX MUNICIPAUX

L’autre élection à risque 

Si les nouveaux maires ont l’avantage d’être élus au suffrage universel direct, ce ne sera pas le cas des adjoints, qui doivent être désignés par le Conseil municipal, à l’issue d’un vote secret. Face à cette situation, ce qui risque de se passer dans certaines mairies, selon l’ancien maire de Grand Yoff, Mamadou Mbaye, c’est la mise en place d’une « cohabitation municipale », avec d’une part un maire minoritaire dans son propre bureau municipal. « Ce qui risque de se passer si les gens ne sont pas honnêtes, il peut y avoir une cohabitation municipale, parce que si vous ne gagnez pas les adjoints aux maires, vous restez minoritaire dans le bureau municipal et le vote étant secret, les gens sont plus enclins à tricher. On ne saura jamais celui qui a voté pour l’opposition ou pas. Le problème reste entier », explique Mamadou Mbaye. Ce dernier de donner l’exemple de la Ville de Dakar où si tel scénario se présentait, le maire ne serait qu’un exécutant. « Si Yewwi askan wi a 60 conseillers et Benno bokk yakaar sont à 40, il faudra à Bby d’avoir 11 c’est-à-dire 51 pour être majoritaire au sein du Conseil municipal. Ils peuvent aller rafler les adjoints au maire, prendre toutes les commissions et laisser au maire des commissions moins importantes. Face à cette situation, quand on délibère le maire exécute », ajoute cet expert en décentralisation.

L’ancien maire de Grand Yoff de relever qu’il fallait intégrer dans le vote au suffrage universel direct les adjoints au maire et éviter tout blocage au sein du Conseil municipal. Cette problématique risque-t-elle de se passer à Guédiawaye quand le maire de Wakhinane Nimzatt, Racine Talla, fait savoir au nouveau maire élu de la Ville qu’il va gouverner sans être majoritaire ? Wait and see…

M. NDONG

lesoleil.sn

By Oumar

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